BAKY ÉCRIT – Dans sa chronique, Bakary Meité évoque les dernières tristes actualités liées au racisme dans le rugby. L’ancien troisième ligne de Carcassonne revient longuement que le dernier cas, lors de la rencontre entre Boucau-Tarnos et Orthez, qui a eu lieu ce week-end. Et ça vaut le détour.

“Match tendu”, “ça a chauffé sur le terrain”, “puis il y’a eu ces mots de la part d’un spectateur et là ça a dégénéré sur le terrain et en tribune”

Voici les mots d’un joueur amateur qui se dit victime d’une insulte raciste. (Il aurait été traité de sale noir par un joueur de la réserve de l’équipe adverse) il se nomme Cheikh Sanha et la scène a eu lieu à Orthez lors d’un match de Fédérale 2 opposants les locaux à Boucau-Tarnos.

Voilà comment notre sport tente de régler ses problèmes. Des problèmes sociétaux qui le transcende.

Une bonne salade de phalange. Une partie de manivelle ! Pour remettre les idées en place et passer l’envie à l’autre de recommencer. Je vois déjà certains supporters qui prônent l’imperméabilité du rugby aux maux de notre société se draper dans une stupéfaction feinte. On ne peut pas tous les jours tomber de la chaise, les exemples s’amoncellent. D’aucun, argueront le folklore. C’est juste pour faire dégoupiller l’adversaire. Pas une once de racisme là-dedans. “A men donné on peut plus rien dire”

Et puis ceux qui applaudiront des deux mains (vous me direz, applaudir d’une main est assez peu commode) se félicitant que la présumée victime ait voulu se faire justice elle-même en allant chercher le présumé auteur des propos par le col pour lui expliquer que sa pigmentation n’a rien à voir avec de la crasse. Cheikh n’en a d’ailleurs pas eu le temps. Se rappelant qu’une réaction un peu trop courroucée en de pareils circonstances lui avait valu un carton rouge par le passé, il s’est intelligemment ravisé. Dans le même temps, sa garde rapprochée de coéquipiers s’était ruée sur le gredin des gradins. Dans un élan chevaleresque. Et alimentant la thèse que : dans le rugby, point de racisme. Voyez vous-même.

Notez que j’utilise le mot présumé par précautions afin d’éviter toute poursuite pour diffamation, il n’en demeure pas moins que la scène vécue par ce joueur ne revêt absolument pas de caractère exceptionnel tant ce genre de séquences a souvent été rapporté par le passé.

L’anicroche a continué par médias interposés. Cheikh a donné sa version des faits. Cela n’avait évidemment pas été consigné dans le rapport du match. Les officiels n’ayant rien entendu. Silence radio dans un premier temps de la part du club d’Orthez.
Avant que le communiqué d’excuses ne tombe le lendemain. Le temps de faire toute la lumière sur cette affaire.

Un petit coup de griffe aux journaleux qui en font tout un pataquès pour se lancer, et voilà la condamnation en bonne et due forme, des propos “entendus” par le joueur de l’équipe adverse.

La faute à pas de chance, l’identité de l’auteur de ce qui a potentiellement pu être possiblement entendu par Cheikh n’est à ce jour pas connue. J’imagine qu’à l’heure où j’écris ces lignes les investigations sont toujours en cours.

Ah oui. Ils soutiennent Cheikh aussi. Je suis confus j’ai failli oublier le plus important.

Cheikh avait l’intention de porter plainte auprès de la fédération française de rugby (Fédération qui a d’autres félins à molester en ce moment). Plot twist ! Rebondissement pour les non-anglophones.
Le club de Boucau-Tarnos et Cheikh souhaitent des excuses téléphoniques de la part du « fautif » (selon leurs termes hein. Je n’accuse personne. Ce n’est clairement pas mon genre).
Belle embuscade pour le club d’Orthez.
– On aimerait bien qu’il s’excuse mais on ne sait pas qui c’est !
– Oui mais s’il ne s’excuse pas on portera plainte.

Se pose alors la question du pardon. Faute avouée… vous connaissez l’adage.
Une fois de plus le rugby a décidé de ne pas faire de vague. Et de laver son linge sale en famille. Correspondance entre les deux présidents. Futures excuses entre les deux protagonistes. Pas de délation. Pas de déclarations tapageuses. Pas de commentaires maladroits sur les réseaux sociaux. Pas de plainte au pénal. Pas d’avocat. Pas de procureur. Pas de tribunal. Circulez y a plus rien à voir.

Rappelons simplement pour finir que l’injure public à caractère raciste est punie par la loi. Mais ça le rugby s’en passerait bien. À men donné…