Baky écrit – « Profession Speaker » : à la découverte de trois passionnés

Par Prince de GBA

BAKY ÉCRIT – Retiré des terrains depuis l’été 2021, Bakary Meité profite de sa liberté retrouvée pour poser un regard libre, décalé et forcément engagé sur l’actualité du rugby, des belles histoires du monde amateur aux exigences du secteur professionnel. Aujourd’hui, il nous amène à la découverte d’acteurs de l’ombre, pourtant en pleine lumière : les speakers.

 

« Et maintenant, le moment que vous attendez tous, les numéros de la bourriche ! » Cette phrase, qui vous est tout aussi familière, je l’ai entendue de nombreuses fois résonner dans le stade Jules-Ladoumègue à Massy. C’est Claude Riwan qui la prononçait et continue de la prononcer encore aujourd’hui.

La voix est enrobée, comme celui qui la porte. Le physique d’ancien rugbyman le trahit. Avant d’être le speaker du RCME, Claude a joué et porté les couleurs bleu et noir. De l’école de rugby à l’équipe première. Quand à 37 ans bien tassés il décide de raccrocher les crampons, c’est pour mieux décrocher le micro quelques temps après. Depuis 1997 donc, il est titulaire du crachoir massicois. 24 années sans interruption. Ajouté à ça les 26 années de licence de joueur, vous obtenez le pédigrée de cet incontournable du club.

Au départ, ça n’a pourtant pas été chose aisée pour ce responsable d’équipe chez Orange. Lorsqu’il propose ses services, c’est aussi pour se canaliser et ne plus s’entendre pester contre les arbitres et les adversaires, en bon supporter qu’il est. Il a appris sur le tas, comme on dit, en imposant sa patte au fur et à mesure. Son expérience de délégué syndicale l’a bien servi. « C’est là que j’ai appris à parler » confesse-t-il. Mais il y a parfois des rechutes, et on menace de lui enlever son compagnon HF s’il réitère ses dérapages.

Eh oui, le bénévolat ne permet et n’excuse pas tout. Si Claude s’impose d’être professionnel en allant à la pêche aux infos avant chaque rencontre, en se renseignant sur la prononciation des noms adverses par exemple, ce qu’il fait à Massy, il le fait sans rétribution aucune. Si ce n’est quelques bières à la fin du match. Consolation qu’il accepte bien volontiers de la part des joueurs et des supporters.

Mais son appointement, Claude le collecte en souvenirs. Comme la fois où il était le speaker d’un match féminin des 6 Nations opposant la France à l’Angleterre. La Marseillaise, le cérémonial. La totale. Il garde aussi en mémoire la première saison du club en Pro D2 avec les réceptions d’équipes prestigieuses du rugby français : DaxBéziersBrive.

Aujourd’hui, Claude assure vouloir passer le flambeau. Mais ça ne se bouscule pas au portillon. La peur sans doute de passer après ce mammouth dont la voix est reconnaissable entre mille. La vocation aussi. Celle d’un métier qu’il a, lui, érigé en passion.

Pour Jean-Max Pigassou, le speaker de l’ASBH, c’est la passion du sport que ce fada de l’Olympique de Marseille a su promouvoir pour en faire son métier. Une voix des plus agréables, de celles qu’on entend dans les pubs à la radio. C’est d’ailleurs là, sur une radio locale, que Jean-Max a fourbi ses armes avant de sévir dans les stades. Car, en plus d’officier au stade Raoul-Barrière, il est aussi la voix officielle du Castres Olympique lors des rencontres à domicile.

C’est à Sauclières, en 1988, qu’il a commencé dans l’ombre de son prédécesseur avant que ce dernier ne parte à la retraite. Le manager de l’époque, Richard Astre tombe sous le charme et l’enjoint à devenir le speaker officiel de l’ASB. Nous sommes en 1993. Le métier évolue, Jean-Max aussi. L’arrivée de la télé, les conducteurs, le timing, les oreillettes…

 

Début des années 2010, le CO emprunte de façon ponctuelle le speaker biterrois. Pierre-Yves Revol n’échappe pas à la règle et confie les destinées cérémoniales et l’ambiance de Pierre-Antoine (devenu Pierre-Fabre) a « JM ». Indubitablement, Jean-Max est reconnu dans le milieu. Son sérieux, sa concentration, ses envolées toujours à propos et le respect pour l’équipe adverse ne sont plus à démontrer. Tant est si bien qu’un troisième club professionnel fait appel à ses services. En effet, il n’est pas rare de voir Jean-Max et sa coiffure impeccable dans la Paris-La Défense Arena. En remplacement de son acolyte Éric Dagrant, (lui aussi très pris avec l’équipe de France et les girondins de Bordeaux) et en renfort de Pauline Bouic, l’une des rares voix féminines dans le milieu.

La mission oscille entre le celle d’animateur, de maître de cérémonie et d’intervieweur.

En souvenir, Jean-Max garde ce match qui opposait les All Blacks à une sélection du Languedoc. Un certain Jonah Lomu était remplaçant au coup d’envoi. Une réminiscence impérissable qu’est ce moment où il a dû annoncer son entrée en jeu. Les deux Brennus du CO aussi, dont il a animé les festivités depuis le bus à Impériale.

Et quand j’ai l’outrecuidance de lui demander pour quel club son cœur penche le plus, Jean-Max s’interdit de choisir entre « son père et sa mère ».

Comme dans le sport qu’il commente chaque week-end, il a le goût de la transmission. Non content de faire l’unanimité partout où il passe, Jean-Max assure même la formation de la relève.

David Seguy est pour ainsi dire un disciple de Jean-Max. Après l’avoir entraîné minot sur les terrains de foot de Colombiers, près de Béziers, Jean-Max a montré les rudiments au jeune Dadou. Des animations de vacances, sur les campings, jusqu’au micro du GGL Stadium. David a simplement marché dans les pas de son mentor. Qui après avoir décliné la proposition du MHR, leur a chaudement recommandé son poulain. L’histoire était lancée.

David a commencé son nouveau métier-passion dans un contexte covid pas évident. A huis clos. Depuis le début de la saison, le public est revenu. Et David ne boude pas son plaisir. Il se régale à faire le grand écart chaque week-end, entre le MHR du milliardaire Mohed Altrad et l’US Carcassonne, plus petit budget de Pro D2. Comme son Sensei. Double cursus, un club dans chaque division professionnelle. Deux salles, deux ambiances comme il aime à le dire. Ne le dites pas trop fort, mais si c’est bien le MHR qui lui a mis le pied à l’étrier et qui lui a fait vivre ses premières grandes émotions avec la victoire en Challenge Cup, il a une affection particulière pour le club de l’Aude, lui le gars de la campagne.

Souhaitons à ces trois passionnés de pouvoir communier avec leur public respectif le plus longtemps possible. Avec ou sans jauge, en évitant l’écueil du huis clos.

Vous pouvez également aimer