Baky écrit – Le Scuf, au bonheur des dames

Par Prince de GBA

BAKY ÉCRIT – Tout jeune retraité, Bakary Meité profite de sa liberté retrouvée pour intégrer l’équipe des chroniqueurs Midi Olympique. L’ancien troisième ligne a tout connu du rugby, d’abord amateur et finalement professionnel. Pour Rugbyrama, l’ancien international ivoirien va désormais s’attacher à poser un regard libre, décalé et forcément engagé sur l’actualité du rugby. Welcome « Baky ».

 

 » Baky  » Meité nous emmène au Scuf, en région parisienne. Un club où il n’a pourtant jamais joué. Mais qu’il connaît bien, pour y avoir touché ses premiers ballons entre copains. Surtout, un club qui fait la part belle aux femmes. Suivez le guide…

J’ai grandi à 400 m de là où se trouve l’actuel siège du club du SCUF. Le Sportive Club Universitaire de France. En me rendant chez Mamadou, mon copain qui habitait dans la rue, je passais devant les locaux sans n’y avoir jamais mis les pieds. Je voyais l’écusson du club trôner au-dessus de la porte.
La stade Max-Rousié, qui abrite les matchs de toutes les catégories d’âge du club centenaire, fut le premier stade où j’ai traîné mes guêtres. Un trou dans le grillage d’enceinte nous a permis de resquiller plus d’une fois et de taper le ballon, jusque bien après le crépuscule. Les policiers chargés de nous déloger se montraient tolérants et compréhensifs. Ma mère beaucoup moins, quand l’horaire qu’elle avait imposé était dépassé.
Une fois cette variation géographico-nostalgique effectuée, je peux vous parler de ce club qui, non content d’être parmi les clubs doyens en France, se démarque aujourd’hui par une singularité qui ne devrait pas l’être.
En effet, les femmes jouent un rôle prépondérant dans le développement du Scuf au quotidien. Yaëlle Rodriguez entraîne les lignes arrières de l’équipe senior réserve masculine. Transfuge de Vitry où elle officiait déjà avec Arnaud Seux, l’entraîneur des seniors, elle s’est acclimatée sans encombre dans le club du nord de Paris.
Aurore Mathieu, elle, s’occupe des jeunes garçons qui évoluent en juniors, après avoir défendu les couleurs du club en fédérale 1, niveau auquel évolue l’équipe senior féminine. Et si tout ça a été rendu possible, c’est probablement parce que c’est Anne Sampermans qui préside aux destinées du SCUF aujourd’hui.
Une présidente, donc. Non pas qu’elle ait imposé qui que ce soit, bien au contraire. Mais sans doute a-t-elle laissé certaines portes ouvertes sur son passage. Elle, la fille et sœur de joueurs du SCUF. Selon ses propres dires, elle est née au club. Aussi, quand son prédécesseur, Lionel Busson, lui a soumis l’idée avant de la souffler aux différents décideurs, elle n’a pas hésité longtemps. Elle a saisi l’opportunité sans se poser la moindre question.
Le poste de dirigeante de la section féminine devenait alors trop étroit pour celle qui travaille dans la formation linguistique dans le civil. Des difficultés liées à sa condition de femme, Anne Sampermans jure ne pas en avoir rencontrées. Et quand se pose la question de la symbolique de ce choix, sorte de tokenisme à la manière d’un candidat d’extrême droite misogyne qui afficherait fièrement un noir ou une femme derrière lui dans un meeting, l’idée est battue en brèche au SCUF. Elle n’a pas été mise là parce que femme, mais parce que compétente. Le club s’est féminisé, comme elle le dit elle-même. En effet, ici plus qu’ailleurs, les mamans ne se contentent plus seulement d’accompagner leurs têtes blondes à l’école de rugby. Elles franchissent le pas pour devenir dirigeantes. Avec Anne comme figure tutélaire.
Attention, Anne Sampermans n’est pas seule. On peut citer Florence Henry (ASPTT) ou Sandrine Clary (Cergy) en ce qui concerne la région parisienne. Il doit sûrement y en avoir bien d’autres, dans ce pays aux 1800 clubs de rugby. Cependant, la résonance de cette alternative est tout autre dans cette association fondée en 1895 par Charles Brennus. Institution historique s’il en est, le Scuf a hébergé des figures du rugby et du sport français. Et non des moindres.
Frantz Reichel, Jules Cadenat, Georges Carpentier ou encore moins connu, le gouverneur et administrateur colonial, Félix Éboué.
Le club a encore pris les devants récemment. En permettant à Antoine Raffy mais surtout à Hawa Tounkara, licenciée en cadette U18 au club, d’apporter sur la pelouse du Stade de France le bouclier de Brennus qui sera brandi par le Stade Toulousain 2 heures plus tard. La première fois pour une joueuse. Là encore, n’y voyez aucun interventionnisme de la part de la présidente. Le choix d’Hawa s’est imposé naturellement et a fait l’unanimité.
Je vous le dis, le Scuf, un club à part.
Un article de Bakary Méité, ancien capitaine de la sélection nationale Ivoirienne de rugby dans rugbyrama.fr

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