Arrivée en janvier dernier à la Racing Mutest Académie en provenance du LYS Sassandra (Cote d’Ivoire), le jeune attaquant Patrick Ouottro (18 ans) a disputé ses minutes en National 3 le week-end dernier. Confidences.
» Mon autre exemple(en plus de Cristiano Ronaldo, NDLR), c’est Didier Drogba. Quand tu es ivoirien et attaquant ça coule de source (sourire). Ce sont deux grands joueurs, je regarde beaucoup de vidéos d’eux pour m’inspirer. » Patrick Ouotro, au média de son club, Strasbourg. pic.twitter.com/CYzsS0EWwD
— Le Kpakpato Sportif (@LKsportif) February 27, 2024
– Tu fais partie des nouvelles têtes au Racing depuis quelques semaines. Raconte-nous ton parcours.
– Dès tout petit, j’ai commencé à jouer au foot dans les quartiers en Côte d’Ivoire. En 2016, j’ai fait un essai pour intégrer l’académie de l’ASEC Mimosas où j’ai passé 4-5 ans de formation. J’ai ensuite pris un gros risque en signant au Lys Sassandra pour jouer la Ligue 1 ivoirienne alors que je n’avais pas 17 ans. Je me sentais prêt à jouer avec les adultes
– Comment s’est passée la transition vers le niveau sénior et la meilleure division de football en Côte d’Ivoire ?
– Au début, c’était difficile. Je découvrais le football adulte face à des joueurs costauds, athlétiques. J’ai dû m’adapter, redoubler d’efforts et travailler beaucoup plus que les autres. Et ça a fini par payer. J’ai commencé à enchaîner les buts et j’ai été appelé avec la sélection A’ (composée uniquement de joueurs locaux).
– Sélection avec laquelle tu disputes le CHAN début 2023…
– J’étais le plus jeune du groupe, j’étais assez stressé en arrivant. J’ai retrouvé des joueurs qui évoluaient déjà dans le Championnat alors que moi je n’étais que ramasseur de balles. Je rentrais sur le terrain en leur tenant la main et là je me retrouvais à jouer avec eux, c’était top ! J’ai démarré la compétition remplaçant puis le coach m’a donné ma chance et j’ai marqué lors de mon deuxième match. Ce tournoi m’a fait gagner en maturité et en confiance.
– Tes années de formation à l’ASEC Mimosas t’ont servi pour gravir les échelons rapides ?
– Oui, être passé par une académie de formation comme l’ASEC, c’est un vrai plus. Ça me sert dans l’anticipation, l’intelligence de jeu… Quand tu es jeune et que tu joues contre des adultes, il faut être plus malin.
– Ta famille t’a soutenu dans ta rapide évolution et tes choix ?
J’ai la chance d’avoir une famille unie et stable. Ils me soutiennent beaucoup. Mon père m’a toujours poussé et encouragé à me donner à fond dans ma passion pour le foot. Ma mère m’emmenait aux entraînements quand j’étais plus jeune. Mes parents ont très vite vu qu’il n’y avait que le foot qui comptait. Mes deux grands frères (nés en 2001 et 2003) sont partis faire des études de marketing au Canada. J’ai aussi une petite sœur née en 2012 qui pratique le basket.
« Le Directeur de l’Académie me surnommait « Tout Pour sa Gueule » »
– Comment s’est passée ton arrivée au Racing ?
– J’avais vraiment hâte” d’arriver ici, ça fait des mois que j’attends ça ! Quand on évolue en Afrique, on ambitionne tous de jouer en Europe à un niveau plus élevé. C’est le rêve de tous les jeunes joueurs africains. Malheureusement, je suis arrivé avec quelques problèmes de santé. J’ai dû me soigner et reprendre une préparation physique. Je m’entraîne depuis trois semaines maintenant. J’espère vite m’adapter et répondre aux exigences.
– Est-ce que tu as déjà pu venir voir des matches à la Meinau ?
Oui, j’ai vu tous les matches de championnat. Le public qui pousse les joueurs jusqu’au coup de sifflet final, ça donne envie d’être sur le terrain. Il y a beaucoup plus de supporters qu’en Côte d’Ivoire. Ça donne vraiment envie de se battre pour ce maillot.
– Tu as même disputé tes premières minutes en National 3 le week-end dernier avec l’équipe réserve…
Oui, on est tombés sur un adversaire qui voulait avant tout défendre son but et contrer. C’était vraiment plaisant pour moi de rejouer après aussi longtemps. J’espère que j’aurai plus de temps de jeu lors des prochains et que je vais pouvoir marquer mon premier but ici.
– Quel est ton profil d’attaquant ?
Je suis plus un attaquant de profondeur, j’aime multiplier les appels de balle. Je pense que je manque encore de maturité car je veux tellement faire d’appels dans les espaces que vers la 80e minute, ça m’arrive d’avoir des crampes. Je bouge beaucoup car je veux sortir le défenseur adverse de sa zone de confort. Je ne suis pas du genre à dribbler 4 ou 5 joueurs, je veux que le ballon progresse vite. Aussi, je ne passe pas mon temps à frapper. Si j’ai un partenaire mieux placé, je préfère lui faire la passe.
– Pourtant, ça n’a pas toujours été le cas, si ?
Oui, quand j’étais jeune j’étais très individualiste. Le Directeur de l’Académie à l’ASEC Mimosas m’a fait jouer au milieu pendant 6 mois pour me forcer à lâcher mon ballon. Il m’avait même surnommé « Tout Pour sa Gueule » (rires). Ses six mois comme milieu de terrain m’ont fait changer. J’aime toujours marquer mais je ne joue plus que pour moi et mes stats. Je suis beaucoup moins égoïste.
– Tu as un modèle à ton poste ?
Comme beaucoup de jeunes de ma génération, j’aime beaucoup Cristiano Ronaldo pour son abnégation dans le travail et son style de jeu. C’est un attaquant complet, qui aime se déplacer, qui est très bon de la tête. Mon autre exemple, c’est Didier Drogba. Quand tu es ivoirien et attaquant ça coule de source (sourire). Ce sont deux grands joueurs, je regarde beaucoup de vidéos d’eux pour m’inspirer.
– Humainement, c’est quoi ton caractère ?
En dehors du terrain, je suis plutôt timide et réservé mais je suis quelqu’un de joyeux, avec le sourire et qui rigole avec tout le monde. Mais sur le terrain je suis différent. Je vais bousculer mon adversaire, booster mon coéquipier si je sens un petit coup de mou.
« Moise est venu me voir à la Racing Mutest Académie »
– Comment tu vis depuis presque deux mois le fait d’être loin de ta famille ?
– C’est vrai que je suis loin de mon pays, de ma famille, de la culture que je connais mais c’est moins dur que ce que je pensais. Quand j’étais à l’Académie de l’ASEC, je ne voyais ma famille que le dimanche. J’ai passé cinq années comme ça donc je suis un peu habitué à ça. Par contre, le froid au début c’était dur. Lors de ma première séance de réathlétisation, dès la fin de la séance j’ai couru direct aux vestiaires parce que j’avais vraiment froid.
– Chez les pros, il y a deux jeunes Ivoiriens qui sont Abakar Sylla et Moise Sahi Dion. Est-ce que tu échanges un peu avec eux ?
– Moise est venu me voir à l’Académie il y a quelques jours. Il m’a dit de tout donner sur le terrain, de montrer que j’ai les qualités pour rejoindre les pros. Avec Abakar, ce sont deux bons grands frères pour moi. Ils me conseillent beaucoup sur ce que je dois faire, comment je dois être.. Pendant la CAN, ils m’ont invité à venir voir les matches avec eux. Malheureusement à l’Académie, on doit rentrer avant 22 heures le soir donc je n’ai pas pu les rejoindre pour voir les matches.
– La Côte d’Ivoire a remporté la CAN il y a 15 jours. Comment l’as-tu vécu ?
C’est incroyable ! Magique ! Cela montre que dans le foot tout est possible. Tu peux prendre un mauvais départ et bien finir. C’est une question de mentalité, d’état d’esprit. Je suis très fier que la Côte d’Ivoire ait une troisième étoile.
SERCOM STRASBOURG