Directeur Technique National (DTN) de la Fédération Ivoirienne de Football (FIF) depuis le 1er septembre 2022, Ludovic Batelli fait un constat amer du football ivoirien, dans un entretien accordé au Podcast ” en dehors de la surface.”

 

 

A peine qu’il a été porté à la tête du football ivoirien que Yacine Idriss Diallo s’est mis au travail pour relancer un football ivoirien en crise durant deux ans avec un comité de normalisation né d’un processus électoral mal ficelé. Après l’annonce de la nomination de Jean-Louis Gasset à la tête de la sélection nationale, la Direction Technique Nationale fut confiée à Ludovic Batelli. L’ancien gardien de but prend fonction le 1er septembre 2022. Sa mission : Restructurer et développer le football ivoirien notamment la formation des encadreurs et des jeunes footballeurs. A peine arrivé sur les bords de la lagune ébrié, l’homme de 59 ans qui a servi pendant de nombreuses années en France et fait quelques piges en Asie, s’aperçoit de l’immense tâche qui l’attend dans sa mission.

Il l’avoue dès l’entame de l’entretien qu’il a accordé le 20 février dernier : ” Le football en Côte d’Ivoire est d’une inorganisation totale, un déficit structurel énorme. Je dirais, le football ivoirien est à l’image de ses structures, soit sont inexistantes, soit dans un état déplorable.” La Côte d’Ivoire part donc de très loin, car le chantier est énorme, pour un pays où selon lui rien n’a été fait depuis 15 ou 20 ans.

Mais pourquoi une telle analyse ?
En sa qualité de DTN, Ludovic Batelli a pour mission de développer le football ivoirien avec la formation des entraîneurs et des jeunes footballeurs. Avant d’en arriver là, il faut mettre de l’ordre dans l’environnement du football ivoirien à commencer par les centres de formation qui pour lui ont poussé de manière sauvage en échappant au contrôle de la FIF : ” Il y a pleins d’ académies ou ce qu’ils appellent centres de formation qui se sont crées de manière sauvage. 711 académies ou centres de formation, c’est incroyable ! En France, il y a 39 ou 40 académies qui appartiennent à des clubs professionnels, alors qu’ici on dénombre plus de 700 dans un pays qui manque de terrain de jeu.” Il va même plus loin dans son constat : ” Ici on ne s’occupe pas des jeunes, on dit mais on ne fait rien. Il n’y a pas de championnat des jeunes. On mise plutôt sur des générations spontanées avec 4 ou 5 joueurs qui se développent de manière différente que les autres.

Pourtant, la création et la filiation d’un centre de formation obéit à des règles qui ne sont pas respectées en Côte d’Ivoire : ” Ici, l’enregistrement et la filiation du centre de formation se résume à un dossier administratif. On ne se pose même pas la question de savoir s’il y a des entraîneurs, un terrain de jeu, quelles sont les catégories de joueur, les effectifs, non tout le monde peut ouvrir une académie et faire jouer de manière sauvage, faire un peu de business sur la détection des meilleurs et les revendre.” Alors, pour le DTN, tout est donc totalement inorganisé surtout non codifié et non géré par la Fédération.

 

 

Que faut-il donc faire ?

La tâche est difficile, c’est un énorme chantier qu’il a sous sa main. Quatre missions lui ont donc été confiées.J’ai 3 principales missions à remplir. La première est la formation des entraîneurs. Ils faisaient très peu de Licence CAF contrairement au cahier de charges de la CAF. C’était que des licences Fédérales. La deuxième est la détection des talents et la troisième, lancer les championnats des jeunes.” Pour l’ancien entraîneur de Toulon, il est inadmissible que la Côte d’Ivoire qui a un énorme vivier de talent ne se soit pas qualifié pour une seule compétition de jeunes cette année. ” Aujourd’hui, il faut faire un constat dur et amer. La Côte d’Ivoire est quand-même un pays où il y a eu par le passé d’excellents profits et où il y a des pépites de très haut niveau. Ce pays est non qualifié en U17, U20 et U23 des compétitions CAF, c’est un non sens. Le président m’a donc demandé de mettre en place des équipes de jeunes pour la CAN 2025, les qualifier et les faire briller.

Il faut donc organiser tout ça, redynamiser le secteur en développant des structures mais pas que, il faut également les entretenir. Car on ne peut faire de la formation sans terrain de jeu, sans les infrastructures et le matériel pour former les jeunes et les entraîneurs : ” Tout est bouché parce qu’il y a peu de terrain. Tout est aussi concentré sur Abidjan, c’est compliqué. J’ai donc demandé qu’on développe trois terrains synthétiques sur Abidjan, deux terrains au centre technique qui a suibi une dégradation avec les dernières pluies. Il faut également redynamiser les 12 ligues avec des terrains pour délocaliser les licences D et C parce qu’à un moment les ligue doivent avoir leur au autonomie.”

Tous ces changements ne peuvent s’effectuer qu’avec l’appui de la fédération qui l’a fait venir. Ludovic Batelli marche visiblement dans la vision du Comex.” C’est un boulot colossal, mais il y a une volonté de la part de la nouvelle équipe. Il y a beaucoup de freins à lever, beaucoup de process à lever parce qu’ aujourd’hui c’est très difficile de changer les choses qui n’ont pas bougé depuis plus de deux décennies. Donc on va essayer d’emmener de nouvelles choses, en espérant que tout le monde y adhère parce qu’aujourd’hui la Côte d’Ivoire ne peut pas fonctionner sur ce mode de pensée, et surtout sur ce déficit à tous les niveaux.