D’une élection à une autre

Par Guy Jaures

La présidentielle du 25 octobre a éclipsé toute autre actualité, reléguant le sport ivoirien dans l’ombre. Et pourtant, derrière chaque triomphe sportif se cache une volonté politique. Le football, comme tous les autres sports, ne vit pas en vase clos : il respire au rythme des décisions du pouvoir.


Qu’on le veuille ou non, sport et politique sont indissociables. Les infrastructures, les compétitions, les centres de formation, les sélections nationales : tout dépend de la vision et des moyens que l’État consent à leur accorder. Le sport, c’est aussi une vitrine diplomatique, un instrument de prestige et, parfois, de propagande. L’exemple de la Coupe d’Afrique des Nations 2024, organisée avec brio en Côte d’Ivoire, en est la preuve éclatante. Sans une réelle volonté politique, la plus belle CAN jamais tenue sur le continent n’aurait jamais vu le jour. Ce fut un succès sportif, mais aussi un acte de souveraineté nationale, une démonstration du savoir-faire ivoirien.
Mais ce lien étroit entre sport et pouvoir s’effrite dès que le débat politique s’installe. Car dans les discours, le sport disparaît aussitôt que les urnes apparaissent.

Durant les deux semaines de campagne précédant le scrutin du 25 octobre, qui a vu le président Alassane Ouattara être reconduit pour un second mandat de la Troisième République, le sport n’aura suscité aucune question, aucune proposition, aucune ambition nationale. Aucun candidat n’a daigné placer la politique sportive dans son discours.
Pourtant, le sport est une économie, une industrie qui emploie, forme, éduque et inspire. Dans un pays où le chômage des jeunes demeure une équation complexe, le football, le basket, l’athlétisme, le handball… pourraient être des leviers puissants de développement. Mais faute de volonté politique, ils restent de simples terrains d’émotions.

Tandis que le pays vibrait au rythme des urnes, le football ivoirien participait à une autre élection : celle de sa crédibilité des clubs sur la scène africaine. L’Asec Mimosas, locomotive historique, a trébuché dès le premier tour face aux Zambiens du Power Dynamos FC. Le Stade d’Abidjan et l’Afad-Plateau ont également été recalés à l’entrée des phases de poules. Seul le FC San Pedro a porté haut les couleurs nationales, validant sa qualification face à Coton FC du Bénin (0-3) après un nul à l’aller. Grâce à cette performance, la Côte d’Ivoire pourrait conserver ses quatre places continentales pour la saison à venir. La nouvelle désillusion des Éléphantes (éliminées par le Sénégal aux portes de la CAN féminine malgré l’arrivée de Reynald Pedros) s’ajoute à ces échecs d’un football local à la recherche d’un véritable souffle, malgré les efforts de la Fédération Ivoirienne de Football.
Des échecs qui marquent une vérité crue : sans un appui structurel et financier fort, le football local ne peut rivaliser durablement.

Le football, mais globalement le sport ivoirien a besoin d’une vision. D’une stratégie nationale, au-delà des campagnes et des promesses. Il ne peut continuer d’exister seulement à travers les émotions des organisations des compétitions internationales ou des éclats d’une victoire des Éléphants ou d’un athlète.
L’élection politique est passée, mais une autre reste à gagner : celle du sport comme priorité nationale. Car tant que le sport ne sera qu’un outil d’image et non un pilier de développement, la Côte d’Ivoire continuera de célébrer des victoires isolées sans construire d’avenir collectif, à l’image du Maroc. Et dans cette « élection » du progrès, les urnes ne suffisent pas, il faut une volonté.

Vous pouvez également aimer