Comité National Olympique : une dizaine de fédérations mécontentes !

Par Guy Jaures

Quatorze fédérations du mouvement olympique ivoirien ont déposé, ce jeudi 4 décembre, une motion de protestation au siège du Comité National Olympique de Côte d’Ivoire (CNO-CIV), exprimant leur profonde insatisfaction face à la gestion de l’actuelle direction.

 

Chaque année, le monde sportif ivoirien traverse son lot de crises. Cette fois, le malaise s’est installé au sein même du Comité National Olympique. Le président Maître Georges Joseph N’Goan se présentera, ce samedi 6 décembre, à l’Assemblée Générale Ordinaire avec une motion de protestation posée sur sa table. Une dizaine de fédérations (quatorze ayant déposé le document, dont dix signataires) ont exprimé leurs griefs ce jeudi 4 décembre, à l’issue d’une déclaration lue devant le siège de l’institution. Le collectif reproche à la direction actuelle du CNO-CIV une gestion jugée défaillante. Lors du point de presse organisé après la déclaration, les fédérations mécontentes ont listé plusieurs manquements attribués au président Georges Joseph N’Goan.

Selon Honoré Zolobé, président de la Fédération Ivoirienne de Badminton et porte-parole du mouvement, leur présence au siège du CNO répondait à un objectif clair : défendre la bonne gouvernance et dénoncer les pratiques contraires à l’éthique au sein du mouvement olympique ivoirien. À quelques mois des élections du CNO prévues en avril 2026, il estime qu’il est devenu nécessaire de « clarifier un certain nombre de choses » pour restaurer la sérénité au sein du mouvement. Tout en affirmant agir dans un « rameau de paix », le collectif dénonce toutefois des « agissements qui entravent le développement des fédérations », citant notamment des situations de conflits d’intérêts susceptibles de nuire aux efforts des dirigeants sportifs. Plusieurs fédérations se disent victimes de harcèlement et de violations du code d’éthique, et affirment pouvoir en témoigner. Elles appellent également à l’intervention des instances internationales de gouvernance olympique.

 

Des cas précis de dysfonctionnements financiers pointés

Le porte-parole a illustré ses accusations en évoquant plusieurs exemples concrets liés à la gestion des fonds de la Solidarité Olympique :
Le rugby, avec un projet financé à hauteur de 39 000 dollars (21 945 366 FCFA) en 2024, qui n’aurait pas été exécuté dans les délais ;
Le badminton, dont un programme de 15 millions de FCFA, destiné à la formation des jeunes athlètes en vue des Jeux Olympiques de la Jeunesse Dakar 2026, n’aurait été financé qu’en partie, poussant la fédération à avancer elle-même six millions de FCFA pour participer à une compétition.
Honoré Zolobé affirme par ailleurs que son éviction du poste de secrétaire général du CNO serait directement liée à son refus de céder à des pressions internes et à sa volonté de dénoncer ces pratiques. Il déplore également qu’aucun travail de planification stratégique n’ait été engagé pour le cycle olympique menant aux Jeux de Los Angeles 2028, ce qui, selon lui, ternit la crédibilité de l’institution.

Des accusations de favoritisme et de dérives internes

Les fédérations protestataires dénoncent en outre un système fondé sur le « copinage » et une gestion qui, selon leurs propos, « brime les fédérations » et génère des crises internes. Leur démarche, affirment-elles, vise à empêcher que les fonds destinés au développement du sport ivoirien soient « détournés à d’autres fins ». Honoré Zolobé a conclu le point de presse en appelant au soutien de la presse, assurant que ce combat est mené « au nom de l’éthique sportive » et dans l’intérêt supérieur du mouvement sportif national.

Une crise aux accents préélectoraux

Avec cette crise qui éclate au Comité National Olympique de Côte d’Ivoire, il apparaît clairement que, au-delà des dénonciations de mauvaise gouvernance ou des soupçons de détournement de fonds, une lutte d’influence en vue des élections d’avril 2026 est déjà engagée.

La déclaration de la motion

À MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU COMITÉ NATIONAL OLYMPIQUE – CÔTE D’IVOIRE

Monsieur le Président,
Les Fédérations Nationales Olympiques de Côte d’Ivoire, représentées par les Présidents ici présents, tiennent avant tout propos à remercier l’ensemble du mouvement sportif ivoirien, les partenaires du sport et particulièrement la Presse pour son soutien constant et son rôle essentiel dans la promotion du sport national.

Notre pays, la Côte d’Ivoire, demeure une terre de paix, d’unité et de diversité exemplaire.

Sur le plan sportif, la Politique Nationale du Sport adoptée en 2014 continue d’être mise en œuvre avec détermination.

Nous saluons à cet effet la Tutelle pour les efforts consentis afin de favoriser le rayonnement du sport ivoirien.

Cependant, cette dynamique positive est aujourd’hui mise à mal.

Le Comité National Olympique de Côte d’Ivoire (CNO-CIV), sous la direction de l’équipe actuelle, bafoue les principes fondamentaux de la Charte Olympique et multiplie les violations des lois et règlements régissant le mouvement sportif national.

Face à ces nombreux manquements, les Fédérations Nationales Olympiques estiment que le CNO-CIV a perdu la crédibilité nécessaire pour conduire à terme le mandat qui lui a été confié jusqu’en avril 2026.

C’est la raison pour laquelle nous exprimons aujourd’hui, de manière solennelle, notre profond mécontentement.

I – Une institution qui dévoie sa mission

Chargé de représenter, développer, promouvoir et protéger le mouvement olympique dans notre pays, le CNO-CIV est devenu, malheureusement, un instrument d’entrave et de pression à l’encontre des fédérations nationales olympiques, au lieu d’être un moteur d’unité, de cohésion et de développement.

II – Les manquements graves constatés

1. Violation des Statuts : absence d’Assemblée Générale annuelle
L’article 15 stipule que l’Assemblée Générale Ordinaire doit se tenir au moins une fois par an.

Pourtant, l’AGO 2023 n’a été organisée qu’en décembre 2024, en totale contradiction avec les textes.

2. Exécution budgétaire sans approbation de l’Assemblée Générale
L’article 16 impose que le projet de budget soit présenté et approuvé avant exécution.

Malgré cette obligation, le budget 2024 a été exécuté sans validation, constituant une violation manifeste.
3. Commission des Athlètes mise à l’écart
Selon l’article 10 du règlement intérieur, le président de la Commission des Athlètes doit être élu par ses pairs.

Or, depuis janvier 2025, les membres de cette commission ont été nommés arbitrairement, dénaturant ainsi une structure pourtant au cœur de l’Olympisme.

4. Dysfonctionnements et opacité financière

L’absence de manuel de procédures administratives, financières et comptables clairs entraîne une gouvernance opaque et sujette à caution. Les pratiques observées soulèvent des interrogations légitimes sur la transparence financière de l’institution.

5. Dépenses injustifiées et excessives

Le rapport financier comporte une charge totale de 76 000 000 FCFA, dont 28 000 000 FCFA de carburant, pour une équipe d’une dizaine de personnes opérant essentiellement au plan local.

Ces montants suscitent de graves préoccupations quant à la gestion et à la priorisation des ressources.

6. Absence de soutien aux fédérations et aux athlètes
Aucune aide financière réelle n’a été accordée aux fédérations. Les demandes adressées au CNO-CIV se heurtent systématiquement à la même réponse : « Félicitations pour vos efforts, mais nous n’avons pas les moyens de vous accompagner. » Une telle posture met en péril la préparation sportive nationale.

7. Violations répétées du Code d’éthique

De nombreux conflits internes sont alimentés ou exacerbés par l’actuelle direction du CNO-CIV, affectant des disciplines telles que la boxe, le rugby, la lutte, la natation, le judo, et bien d’autres.

Aucune politique claire de prévention des conflits d’intérêts n’est en place.
L’institution ne présente aucune vision stratégique concernant :
les Jeux Africains de la Jeunesse (Angola),
les Jeux Olympiques de la Jeunesse,
et encore moins les Jeux Olympiques de Los Angeles 2028.

III – Conclusion

Au regard de l’ensemble de ces manquements, il apparaît évident que l’actuelle équipe dirigeante du CNO-CIV n’apporte aucune contribution positive au développement du sport ivoirien.
Parce que l’Olympisme repose sur l’éthique, la transparence, la solidarité et le respect des textes,
Parce que les fédérations nationales olympiques sont les piliers du mouvement sportif,
Parce que les athlètes doivent être protégés et valorisés,
Nous appelons à une réorientation urgente de la gouvernance du mouvement olympique en Côte d’Ivoire.
Les fédérations nationales olympiques se tiennent disponibles pour travailler à un avenir plus juste, plus transparent et plus porteur pour l’ensemble du sport ivoirien.
Je vous remercie.

Ont signé,

1- ALLOU HONORE, Président Fédération Ivoirienne de Lutte
2- ZOLOBE HONORÉ, Président Badminton
3- WHADJA AIZAN PASCAL, FIVVB (Volleyball)
4- DOUE GNAHEILI CHRISTOPHE, FIGYM (Gymnastique)
5- KOUASSI DAMIEN, FINS (Natation)
6- RACHA INNOCENT, Vice-président Escrime
7- LUKAS KORE, FIR (Rugby)
8- TAGRO ELIEN, Vice-président FIVTA (Tir à l’Arc)
9- IBITECHO MICHEL, FIPCKA (Pirogue et Canoë kayak)
10- BOUA EMMANUEL, Président FIB (Boxe)

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