Sur son compte Twitter, dans une série d’écrit, l’ex capitaine de la sélection nationale Ivoirienne de rugby, aujourd’hui entraîneur raconte son expérience du racisme.

Venant d’un si proche collaborateur
« J’ai encore expérimenté le racisme. Il y a quelques semaines, un des entraîneurs avec lequel je collaborais au Rugby Entente du Cabardès (REC), le club de régionale 2 que j’entraîne depuis 2 ans, m’a traité de mangeur de banane, en mon absence, mais en présence de plusieurs personnes dans le vestiaire. Au sortir d’un match où lui et moi avions eu une altercation verbale. Je n’ai eu connaissance de ces propos que plusieurs semaines après les faits. Non content d’avoir été congédié par le club, et, entre 2 insultes et menaces envers le coprésident du club il a réitéré ses propos au téléphone. La conversation a été enregistrée. Cela lui a même été indiqué. Il a assumé ces propos. Disant fièrement : ben quoi ? Le mangeur de banane ?! Ben je l’ai toujours dit.

Je l’ai bien évidemment confronté l’appelant au téléphone. Il a dans un premier temps nié avoir proféré quoi que ce soit à mon sujet. Se défendant d’être raciste. (Il a selon lui un ami marocain). Il a consenti être l’auteur d’une mauvaise blague estimant que lorsque j’étais en Guyane pour mes ateliers d’écriture ou au Sénégal dans le cadre d’un voyage humanitaire, j’étais en « Bananie ». Je lui ai rappelé que cela s’était produit devant témoins. Il a reconnu que sans doute il avait dit des choses sous le coup de la colère. Je lui précise qu’il les a répétés au téléphone. Il a de nouveau nié. Et quand je lui ai rappelé que la conversation avait été enregistrée et que j’avais écouté l’enregistrement, il a feint l’amnésie. Ne se rappelant plus ce qu’il avait dit.

 

La décision d’après
Je ne peux pas vous dire à quel point je suis atteint. Je suis touché au plus profond de moi. J’ai une chape de plomb sur les épaules. J’ai les idées confuses. Je suis irritable. Je dors mal. Je cogite. Je suis frustré et je me sens coupable. J’essaye de comprendre ce qui pousse quelqu’un qui me côtoie à me comparer à un singe. Vous allez sûrement y voir de la bêtise. La fameuse bêtise humaine. On la range dans une case et on passe à autre chose. J’ai bien évidemment décidé de porter plainte. J’ai souvent encouragé d’autres victimes à le faire. De quoi aurai-je l’air si je me planquais derrière un pauvre « mais ça ne sert à rien ». Mais même cette décision n’est pas sans conséquence. Je vais devoir franchir la porte d’un commissariat pour relater des faits douloureux. Sans savoir si cela aboutira.

J’ai aussi pris la décision d’en parler publiquement. Je sais que cela aura des répercussions. Les moqueries, la dérision qui accompagnent ce genre de décision sont des épreuves supplémentaires. Je vais devoir expliquer à mon fils de 6 ans pourquoi je n’irai plus à l’entraînement au REC et surtout devoir lui dire qu’il aura lui aussi à faire face au racisme. Que quoi qu’il fasse, quoi qu’il arrive, irrémédiablement il devra l’affronter sous des formes diverses.
Je redoute ce jour. Comme je redoute les jours à venir. Je ne demande à personne de comprendre ma douleur. J’ai moi-même du mal à la décrire. Je suis épuisé physiquement et mentalement. Mais comme souvent, j’écris pour me soulager. Je remercie toutes les personnes qui m’ont d’ores et déjà apporté leur soutien. J’ai juste envie d’oublier. Même si je sais que ça m’est impossible. »